FAITS DE HARCELEMENT MORAL ET SEXUEL ET REGIME DEROGATOIRE DE LA PREUVE PARTAGEE PREVUE A L'ARTICLE L.1154-1 DU CODE DU TRAVAIL
13/09/2022
PRINCIPE JURIDIQUE : L’employeur peut produire le rapport de l’enquête interne afin de justifier la faute grave imputée au salarié licencié pour des faits de harcèlement sexuel et moral. Pour la Cour de cassation, le régime dérogatoire probatoire de preuve partagée (Article L.1154-1 du Code du travail) ne s’applique pas dans le contexte et s’il revient à l’employeur de justifier les agissements de harcèlement du salarié licencié, la preuve en matière prud’homale est alors libre
Faits et Procédure : Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 11 Décembre 2020), M. [D], engagé le 23 Juillet 1990 en qualité de conseiller clientèle par le Crédit mutuel Arkéa (la société), occupant en dernier lieu, le poste de directeur de caisse, a été mis à pied à titre conservatoire le 21 Janvier 2015.
Convoqué à un entretien préalable au licenciement s'étant tenu le 12 Février 2015, il a sollicité la réunion du conseil de discipline qui a eu lieu le 10 Mars 2015. Il a été licencié le 11 Mars 2015 pour faute grave à raison de faits de harcèlement sexuel ainsi que de faits de harcèlement moral tenant à un management agressif. Le salarié a saisi le 26 Octobre 2015 la juridiction prud'homale aux fins de contester son licenciement.
La société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner à lui payer des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'ordonner le remboursement par la société à tout organisme financier intéressé des indemnités chômage versées au salarié dans la limite de six mois, alors :
1º/ qu'en matière prud'homale, la preuve est libre. L'enquête interne réalisée par l'employeur pour établir l'existence des faits de harcèlement sexuel et moral reprochés à un salarié n'est soumise à aucun formalisme et ne peut être écartée des débats comme déloyale au prétexte de prétendus dysfonctionnements dans son déroulement.
2°) Que les faits de harcèlement moral et sexuel peuvent en conséquence être démontrés par l'employeur par tous moyens ; que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les moyens dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les part
REPONSE DE LA COUR DE CASSATION
-D'une part, la règle probatoire, prévue par l'article L.1154-1 du Code du travail, n'est pas applicable lorsque survient un litige relatif à la mise en cause d'un salarié auquel sont reprochés des agissements de harcèlement sexuel ou moral.
-En matière prud'homale, la preuve est libre.
-D'autre part, selon l'article L.1153-5 du Code du travail, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d'y mettre fin et de les sanctionner. Selon l'article L. 1152-4 du même code, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement moral.
-Il résulte des textes susvisés et du principe de liberté de preuve en matière prud'homale qu'en cas de licenciement d'un salarié à raison de la commission de faits de harcèlement sexuel ou moral, le rapport de l'enquête interne, à laquelle recourt l'employeur, informé de possibles faits de harcèlement sexuel ou moral dénoncés par des salariés et tenu envers eux d'une obligation de sécurité lui imposant de prendre toutes dispositions nécessaires en vue d'y mettre fin et de sanctionner leur auteur, peut être produit par l'employeur pour justifier la faute imputée au salarié licencié. Il appartient aux juges du fond, dès lors qu'il n'a pas été mené par l'employeur d'investigations illicites, d'en apprécier la valeur probante, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties.
Cour de cassation, arrêt du 29 Juin 2022 - Pourvoi N°21-11.437
Cabinet RYMO Conseil et Formation
Département juridique et Communication