L'APPRECIATION "DU DELAI RAISONABLE" POUR REMPLACER UN SALARIE LICENCIE EN RAISON D'UNE ABSENCE PROLONGEE
21/04/2021
Principe juridique : Le Code du travail interdit à l’employeur de licencier un salarié en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude physique constatée par le médecin du travail.
Toutefois, pour la Cour de cassation, rien ne s'oppose au licenciement motivé, non pas par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées de l'intéressé pour maladie. Celui-ci ne peut toutefois être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif (Cass. Soc. 13 Mars 2001 N° 99-40.110 FS-PBR : RJS 5/01 n° 592 ; Cass. Soc. 2 Mars 2005 n° 03-42.800 F-D : RJS 5/05 N° 503) par l’embauche d’un nouveau salarié (Cass. Soc. 4 Juin 1998 n° 96-40.308 PB : RJS 7/98 n° 845).
Pour être valable, le remplacement définitif doit en outre intervenir soit avant le licenciement, à une date proche de celui-ci (Cass. Soc. 16-9-2009 n° 08-41.879 F-PB : RJS 11/09 n° 849), soit dans un délai raisonnable après la rupture du contrat de travail (Cass. Soc. 28-10-2009 n° 08-44.241 FS-PB : RJS 1/10 n° 28).
Dans un arrêt du 24 Mars 2021, la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur le caractère raisonnable ou non d’un délai de 6 mois pour procéder au remplacement définitif d’une directrice d'association.
Sur le rappel des faits et de la procédure :
Une salariée, directrice d’une association, en arrêt de travail à compter de Mai 2012, avait été licenciée le 27 Mars 2013 en raison de la désorganisation de l’association du fait de son absence prolongée et de la nécessité de procéder à son remplacement définitif. Elle avait saisi la juridiction prud’homale pour contester ce licenciement.
La cour d’appel de Paris a décidé, le 28 Août 2018 que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse dès lors que l’absence de la salariée perturbait effectivement le fonctionnement de l’association et que celle-ci avait procédé à son remplacement définitif dans un délai jugé « raisonnable ».
La salariée a formé un pourvoi en cassation. Les griefs formulés à l’encontre de l’arrêt d’appel reposaient principalement sur la reconnaissance du caractère « raisonnable » du délai au terme duquel son remplacement était intervenu. Selon le moyen, la nécessité de procéder à son remplacement définitif n’était pas établie dès lors que celui-ci était intervenu six mois après le licenciement, ce qui privait pour effet, son licenciement.
Rejetant cet argument, la Cour de cassation confirme la décision des juges du fond.
Après avoir rappelé les conditions auxquelles ce licenciement est subordonné - perturbations du fonctionnement de l’entreprise, absence prolongée ou absences répétées du salarié, remplacement définitif de ce dernier – la Cour rappelle les points que les juges du fond doivent examiner pour décider si un nouveau salarié a été recruté dans un délai raisonnable.
Ainsi, ce « délai raisonnable » est apprécié souverainement par les juges du fond en tenant compte des spécificités de l’entreprise et de l’emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l’employeur en vue d’un recrutement.
A noter : La solution n’est pas nouvelle. La Cour de cassation juge en effet depuis 2004 que le caractère raisonnable du délai relève de l'appréciation souveraine des juges du fond qui doivent, à cet effet, tenir compte des critères mentionnés ci-dessus (Cass. soc. 10-11-2004 n° 02-45.156 FS-PBRI : RJS 1/05 n° 30 ; Cass. soc. 14-3-2007 n° 06-41.723 F-D).
En l’espèce, la cour d’appel, qui a tenu compte de ces démarches immédiatement engagées par l’employeur et de l’importance du poste de directeur à pourvoir, a pu estimer que le remplacement de la salariée 6 mois après son licenciement était intervenu dans un délai raisonnable.
A noter : Si le délai de 6 mois a pu être jugé raisonnable pour pourvoir un poste de direction, tel n’a pas été le cas, par exemple, pour un poste de secrétaire administratif (Cass. soc. 9-5-1989 n° 88-40.036 F-D). Même solution dans une affaire où un salarié embauché en remplacement d’un contremaître malade avait vu son contrat à durée déterminée transformé en un contrat à durée indéterminée 7 mois environ après le licenciement de ce dernier (Cass. soc. 12-10-2011 n° 10-15.101 F-D : RJS 12/11 n° 977).