L'EMPLOYEUR PEUT S'APPUYER SUR DES ELEMENTS COUVERTS PAR LE SECRET MEDICAL DU PATIENT POUR LICENCIER UN SALARIE, PROFESSIONNEL DE SANTE
09/09/2022
Un salarié, professionnel de santé, ne peut pas reprocher à son employeur d’avoir motivé sa lettre de licenciement par des éléments couverts par le secret médical. En effet, rappelle la Cour de cassation, le secret médical a été institué dans le seul intérêt du patient.
Un salarié peut contester son licenciement en justice en produisant des éléments de preuve dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions mais qui sont couverts par le secret professionnel.
La production de tels documents provenant de l’entreprise n’est toutefois permise qu’à la condition d’être strictement nécessaire à l’exercice de la défense de l’intéressé dans le litige prud’homal l’opposant à son employeur (Cass. soc. 30-6-2004 n° 02-41.720 FS-PBRI ; Cass. soc. 12-5-2017 n° 12-5-2017 n° 15-28.943).
Mais qu’en est-il de l’employeur ? Est-il autorisé à s’appuyer sur des éléments couverts par le secret professionnel, notamment médical, pour motiver le licenciement d’un salarié qui a manqué à ses obligations ? C’est à cette question que répond la Cour de cassation, pour la première fois à notre connaissance, dans un arrêt du 15 juin 2022 publié sur son site internet.
Une infirmière, licenciée pour avoir porté atteinte à la santé des patients
Une infirmière, coordinatrice employée dans une maison de retraite est convoquée à un entretien préalable à la suite du décès d’une résidente, l’employeur considérant qu’il est en partie imputable à un défaut de surveillance et de prise en charge par les équipes soignantes placées sous la responsabilité de la salariée.
Mais ce n’est pas le seul grief invoqué par l’employeur à l’encontre de la salariée. En approfondissant les recherches, celui-ci constate, notamment, que les plans de soins des résidents ne sont pas à jour, voire totalement absents de leurs dossiers de soin, que le contrôle des pesées de plusieurs résidents est négligé, que la tenue des dossiers médicaux est défectueuse, que de nombreux résidents ont pris des traitements sans ordonnance en cours de validité et que la salariée a laissé les aides-soignants installer des barrières de lit à certains résidents, en dépit de toute prescription médicale.
Considérant que la salariée a commis des négligences graves dans l’exécution de son contrat de travail et porté ainsi atteinte à la santé des résidents, l’employeur prononce à son encontre un licenciement pour faute grave.
La salariée conteste la légitimité de son licenciement et porte l’affaire devant le conseil de prud’hommes, qui lui donne raison. La cour d’appel, saisie du litige par l’employeur, juge au contraire que le licenciement pour faute grave est bien fondé et que les manquements relevés rendaient impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise.
Le licencieent peut être motivé par des informations couvertes par le secret médical
La salariée forme un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel, en faisant valoir que son licenciement est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse car fondé sur une violation par l’employeur du principe fondamental du secret médical.
Elle en veut pour preuve la motivation de sa lettre de licenciement qui fait état d’un manque de soins à l’égard de patients identifiables, en renvoyant à des informations tirées de leur dossier médical.
Position de la Cour de cassation
-Le secret médical est institué dans le seul intérêt du patient
La chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi de la salariée au visa des articles L 1110-4 et R 4127-4 du Code de la santé publique. Elle relève que le secret professionnel prévu par ces dispositions est institué dans l’intérêt des patients, afin de protéger leur vie privée et le secret des informations médicales les concernant.
Le secret médical n'est pas institué dans l'intérêt du salarié, professionnel de santé.
S’agissant d’un droit propre du patient, elle en déduit que le salarié, professionnel de santé, ne peut pas invoquer à l’égard de son employeur une violation du secret médical pour contester le licenciement fondé sur des manquements à ses obligations portant atteinte à la santé des patients.
Cabinet RYMO Conseil et Formation
Département juridique et Communication
Cass. Soc. 15 Juin 2022 Pourvoi N°20-21.090 F-B M. c/ Assoc. Gardanaise pour la gestion d’équipements sociaux en faveur de personnes âgées (Agespa)