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NULLITE DU LICENCIEMENT FONDE SUR L'EXERCICE NON ABUSIF DE LA LIBERTE D'EXPRESSION D'UN SALARIE

21/09/2022

Depuis l'ordonnance N°2017-1387, l'article L.1235-3 du Code du travail (Barème d'indemnisation) n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article.

Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

1° La violation d'une liberté fondamentale
2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L.1153-4 du Code du travail 
3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles l; 1132-4 et L. 1134-4 du Code du travail
4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;

5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articlesL.2411-1 et 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat 
6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L.1226-13 du Code du travail.

Par cet arrêt du 29 Juin 2022, la Cour de cassation fixe un principe juridique clair :

-Sauf abus, le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d'expression. 

-Le caractère illcite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice par le salarié de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.

I- FAITS ET PROCEDURE 

Un salarié, engagé à compter du 5 Août 1991 par la société sucrière agricole de Maizy, devenue Union Sda, puis Tereos Syral, en qualité d'ingénieur adjoint au Directeur technique. En 2015, son contrat de travail a été transféré à la sociét Tereos participations, filiale française du groupe Tereos. Le 16 Août 2016, il a pris les fonctions de Directeur Général de la société Tereos romania, filiale roumaine du groupe.

Il a été licencié pour faute grave le 20 Janvier 2017. Contestant cette mesure, il a saisi la juridiction prid'homale.

Le licenciement du Directeur Général était justifié par le fait d’avoir :

-adressé une lettre au président du directoire du groupe mettant en cause le directeur régional ainsi que les choix stratégiques du groupe, tout en insinuant que ce dernier aurait été informé de faits de corruptions.

-refusé d’assumer ses responsabilités inhérentes à ses fonctions.

-menacé de communiquer auprès de tiers, tels que les institutions roumaines, les équipes locales et fournisseurs, de faits dont il aurait eu connaissance, de façon à négocier son départ.

Dans un arrêt du 7 mai 2020, la Cour d’appel d’Amiens a considéré que le licenciement était nul. Les juges du fond :

  • constatent d’abord que la lettre de licenciement articulait trois griefs envers le salarié en lui reprochant, dans un premier temps, les propos qu'il avait tenus dans un courrier adressé au président du directoire du groupe dans lequel il mettait en cause le directeur d'une filiale ainsi que les choix stratégiques du groupe.
  • relèvent ensuite que cette lettre, adressée par le salarié au président du directoire du groupe, pour dénoncer la gestion désastreuse de la filiale roumaine tant sur le terrain économique et financier qu'en termes d'infractions graves et renouvelées à la législation sur le droit du travail, faisait suite à l'absence de réaction de sa hiérarchie qu'il avait déjà alertée sur ces problèmes majeurs de sécurité et de corruption imputables à la gestion antérieure.
  • retiennent enfin que les termes employés n'étaient ni injurieux, ni excessifs, ni diffamatoires à l'endroit de l'employeur et du supérieur hiérarchique. Débouté en appel, l’employeur forme un pourvoi en cassation.

II- REPONSE DE LA COUR DE CASSATION : LE SALARIE A EXERCE SA LIBERTE D'EXPRESSION SANS ABUS 

-Principe juridique : Sauf abus, le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression. 

-Le caractère illicite du motif du licenciement pronocé, même en partie, en raison de l'exercice par le salarié de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement. La haute juridiction valide le raisonnement des juges d'appel (CA, Amiens - 7 Mai 2020) :

-Plus précisément, la Cour de cassation relève que la cour d'appel a d'abord constaté que la lettre de licenciement articulait trois griefs envers le salarié en lui reprochant, dans un premier temps, les propos qu'il avait tenus dans un courrier adressé au président du directoire du groupe dans lequel il mettait en cause le directeur d'une filiale ainsi que les choix stratégiques du groupe.

Elle a ensuite relevé que cette lettre du 23 décembre 2016 adressée par le salarié au président du directoire du groupe, pour dénoncer la gestion désastreuse de la filiale roumaine tant sur le terrain économique et financier qu'en termes d'infractions graves et renouvelées à la législation sur le droit du travail, faisait suite à l'absence de réaction de sa hiérarchie qu'il avait alertée le 2 décembre 2016 sur ces problèmes majeurs de sécurité et de corruption imputables à la gestion antérieure.
Elle a enfin retenu que les termes employés n'étaient ni injurieux, ni excessifs, ni diffamatoires à l'endroit de l'employeur et du supérieur hiérarchique.
Elle en a exactement déduit, sans avoir à examiner les autres griefs invoqués dans la lettre de licenciement, dès lors qu'il était notamment reproché au salarié cet exercice non abusif de sa liberté d'expression, que le licenciement était nul.

III- THEORIE DU "MOTIF CONCOMINANT" QUI ENTRAINE LA NULLITE DU LICENCIEMENT

La Cour de cassation confirme l’application par la Cour d’appel de la théorie dite du « motif contaminant » selon laquelle les juges du fond n’ont pas à apprécier les autres griefs invoqués aux fondements du licenciement dès lors que l’un d’eux justifie à lui seul la nullité du licenciement (Conclusions de l’Avocate générale, Madame Laulom, p. 3).

La même théorie a par ailleurs été appliquée par la Cour de cassation notamment en cas de violation du droit du salarié d’exercer une action en justice (2) ou en matière de harcèlement moral (3)

Sources :
- Cass. Soc. 29 jUIN 2022 Pourvoi N°20-16.060 

Avis de Mme LAULOM, Avocate générale - 29 Juin 2022

(2) Cass. Soc. 21 nov. 2018 Pourvoi N°17-11.122 

(3) Cass. Soc. 13 Février 2013. Pourvoi N°11-28.339

Pour aller plus loin 

v. récemment Cass. soc., 16 février 2022, n° 19-17.871Nullité du licenciement fondé sur un motif lié à l’exercice non abusif par le salarié de sa liberté d’expression.

Cabinet RYMO Conseil et Formation 

Département juridique et Communication

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