SALARIE PROTEGE : DES PROPOS RACISTES ET SEXISTES RECURRENTS PEUVENT JUSTIFIER UN LICENCIEMENT POUR FAUTE
25/10/2022
I- FAITS ET PROCEDURE
Par une décision du 29 Juin 2017, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. B..., salarié protégé, pour motif disciplinaire, lequel avait été sollicité par son employeur, la société Club Med.
A la suite du recours hiérarchique formé par cette société contre cette décision, la Ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, par une décision du 27 Février 2018, a retiré sa décision implicite rejetant ce recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 29 juin 2017 et autorisé le licenciement de M. B....
Par un jugement du 6 Mai 2019, le tribunal administratif de Paris a, sur demande de M. B..., annulé la décision de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion du 27 février 2018. Par un arrêt du 19 Janvier 2021, contre lequel la société Club Med se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel de cette société contre ce jugement.
II- LES ARGUMENTS DES PARTIES
-Cour administratie d'appel
L'arrêt attaqué (Cour d'appel de Paris : 19 Janvier 2021), après avoir relevé que M. B..., chargé du service " comptabilité fournisseur " de l'établissement de Lyon de la société Club Med, avait prononcé, à l'encontre de trois salariées de ce service, des propos faisant explicitement référence, d'une part, au sexe de ces salariées et, d'autre part, à leur origine et à leur religion supposées, propos que la cour a qualifiés de " brutaux ou maladroits ", " déplacés et sexistes ", et présentant un caractère blessant pour leurs destinataires, la cour administrative d'appel a estimé que le fait d'avoir proféré de tels propos ne constituait pas une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.
-Le Conseil détat, décision du 07 Octobre 2022 -Pourvoi 450492
Le Conseil d'état n'a pas la même appréciation de la gravité que la CAA de Paris. Pour les juges de la haute juridiction administrative, les propos tenus par M. B... visaient systématiquement et de manière répétée des salariées ayant pour point commun d'être des femmes, supposément d'origine magrébine et de confession musulmane, qui, au surplus, se trouvaient sous sa responsabilité, et ne pouvaient, dès lors qu'ils revêtent un caractère raciste pour certains, et sexistes pour d'autres, être réduits à des propos triviaux, la cour, en estimant qu'ils ne constituaient pas une faute d'une gravité suffisante de nature à justifier son licenciement, en prenant en compte l'existence de tensions entre M. B... et son employeur et l'absence d'antécédents disciplinaires de ce salarié protégé, a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Club Med est fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 19 janvier 2021 de la cour administrative d'appel de Paris qu'elle attaque. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme demandée par la société Club Med au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le Conseil d'état a renvoyé l'affaire devant la CAA de Paris.
Apport de cette décison du CE, 7 Octobre 2022
Ce n'est pas la première fois que le Conseil d'État considère que des propos racistes ou sexistes sont des faits d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement d'un salarié protégé (CE, 10 juill. 1995, n° 133802 ; CE, 24 nov. 2006, n° 282374). Cette décision du 7 octobre 2022, publiée, semble vouloir insister sur la gravité de ces faits, et ce malgré les circonstances extérieures comme l'absence de sanctions disciplinaires ou les tensions dans l'entreprise.
CE, décision du 07 Octobre 2022 - Pourvoi 450492
Cabinet RYMO Conseil et Formation
Département communication et juridique